Chapitre 2

Aile d'Or vit que sa sœur ne savait que faire face à l'annonce de leur amie. Elle resta paralysée quelques secondes puis se mit à courir vers la tanière du guérisseur. Pelote s'approcha de la rouquine et lui murmura tristement :

"Tu devrais y aller toi aussi. Cela risque de faire un choc à Aile de Lune."

L'apprentie hocha la tête, toujours gueule bée, puis parti à la suite de la petite chatte. Dès qu'elle pénétra dans l'antre, elle vit le mentor étendu. Une odeur étrange flottait dans l'air. Oiseau Frêle et Griffe de Genièvre, ses parents, ainsi qu'Aile de Lune, étaient regroupés autour du chat tigré. Dans son dernier soupir, il murmura :

" Pardon pour tout ce que j'ai pu faire… Je serait toujours là pour vous…"

Sa tête retomba, inerte et sans vie. Ses géniteurs le transportèrent au centre du camp et se mirent à le veiller en pleurant.

Lune de Renard  sorti de sa tanière et rejoignit les guerriers pour la veillée. A l'aube, Fleur Grise et Griffe de Boue, les anciens emmenèrent le corps pour l'enterrer. Le chef grimpa sur la Souche et clama :

" Que tous, du plus petit chaton au plus vieil ancien, se réunissent au pied de la Souche pour une Assemblée du Clan.

Puis, peu après, il continua :

-Aujourd'hui, nous honorons la mort de Croc de Serpent. Ce fut un grand guerrier, puissant et loyal. Il comptait beaucoup pour nous et nous ne l'oublieront jamais. Mais son apprentie ne peut rester sans mentor. Aile de Lune, approche. Ton mentor sera désormais Griffe d'Ortie. Griffe d'Ortie, cette apprentie est ta première et je compte sur toi pour lui enseigner ce qui lui reste a apprendre. L'Assemblée est close."

Aile d'Or admira un instant son chef. Elle éprouvait pour lui un respect énorme. Malgré la mort de son frère, il avait gardé son sang-froid et s'était comporté admirablement. "Plus tard, songea-t-elle, moi aussi je serait comme ça ; puissante et qui inspire le respect".

   Puis le regard de la rouquine se tourna vers sa sœur. La petite chatte était roulée en boule et pleurai. Elle songea à aller la réconforter mais une pensée l’en empêcha. Elle l’a connaissait mieux que tout le monde ici. Elle savait que la seule chose que voulait sa sœur en cet instant, c’était la paix pour pleurer seule. Mais une question l’inquiétait néanmoins ; sa sœur allait-elle s’en remettre ?

Les jours avaient passé et, heureusement, Aile de Lune semblait aller mieux, malgré fait qu’il y avait toujours de la tristesse dans son regard.

Lorsque Cœur de Lavande organisa les patrouilles, elle désigna les deux sœurs, leurs mentors et Lueur de L’Aube pour renouveler le marquage le long de la frontière du Clan des Feuilles. Le petit groupe partit lentement, chacun regrettant son nid douillet et pestant contre le froid qui se faisait sentir. Aile d’Or, la seule joyeuse de cette besogne, courut en tête et distança les autres. Tout allait bien avant qu’une forte odeur du Clan ennemi lui fit froncer la truffe. Les guerriers des Feuilles étaient proche, mais ils avaient pénétré sur leurs terres ! Sachant qu’elle ne pourrait les mettre en fuite seule, elle se tapis dans un buisson et tendit l’oreille. Après avoir recueilli les informations, elle fila discrètement vers sa patrouille. Arrivée près de son groupe, elle lâcha, essoufflée :

« Une patrouille…du Clan des Feuilles…nous attend…en embuscade !

- En es-tu sûre ? Répondit Lueur de l’Aube, ils ont peut-être des intentions plus pacifiques.

- Certaine, rétorqua l’apprentie. Je les ai entendu dire qu’à la prochaine patrouille qui passerait, ils nous attaqueraient. J’ai aussi entendu qu’ils répéteront ce genre d’attaque jusqu’à de « Lune de Renard cède et avoues ». Ils sont au moins une dizaine !

-Je vois… tout d’abord, calme toi. Ensuite, Aile de Lune, file jusqu’au camp chercher des renforts et revient le plus vite. Va maintenant. »

En regardant sa sœur détaler, la jeune chatte songea. Que voulaient dire ces chats ? Que y avait-il à avouer ? Elle écouta d’une oreille lointaine les indications, toujours perdue dans ses ruminations. Ses pensés furent coupés par l’arrivée de leurs camarades. Sa sœur courait en tête, suivie par Lune de Renard, Cœur de Houx, Fleurs des Champs et Prunelle d’Emeraude. Après des explications plus précises, le chef approuva et dit :

 « Puisqu’ils n’ont pas l’air d’avoir envie de discuter, nous allons leurs faire comprendre que le Clan de la Bruyere est honnête et près à défendre ce qui lui appartient. Allons y ! »

Les chats cernèrent les intrus et soudainement, le cri de leurs chef brisa le silence. « Clan de la Bruyere, a l’attaque ! »

Aile d’Or sauta sur le premier adversaire à sa portée, un autre apprenti plus âgé. Elle le mît rapidement en fuite et alla prêter main forte à Aile de Lune. Celle-ci faisait face à une grande charte brune qui feulait. D’un bond, elle se jeta sur le flanc de son adversaire qui vacilla de surprise. Elle re retourna rageusement et se prépara à riposter. Heureusement sa sœur se glisse par derrière et se mit à griffer l’arrière-trains de la chatte. Profitant de ce moment de distraction, elle lui saute sur le dos et commence à la lacérer. Mais indifférente à son attaque, l’ennemie plaque Aile de Lune et lui griffe le flan. Vexée d’être ignorée, mais surtout folle de rage de voir sa sœur se faire blesser, l’apprentie vit rouge. Telle une furie, elle se jette à la gorge de la chatte et la mord de toute ses forces. La reine parvient néanmoins à se libérer au moyen de coups de pattes bien placés. Leur ennemie grimpe alors dans l’arbre le plus proche et clame :

 « Clan des Feuilles, repli !

-Tu ne perd rien pour attendre, Lune de Rose, feula le chef du Clan de la Bruyère, nous t’attendrons tous de patte ferme. »

Une fois les adversaires partis, les chats se mirent en route et rentrèrent au camp pour se faire soigner. En s’examinant, Aile d’Or vit une griffure sur sa patte et sur son flanc. Les blessures semblaient superficielles et elle en fut rassurée. Seule Lueur de l’Aube semblait gravement blessée et devait s’appuyer sur Pelote pour avancer. Lune de Renard s’approcha d’elle et la félicita car selon ses dires, Aile Céleste et Lune de Rose était de très bons combattants. Mais avant de partir, il lui demanda :

 « Saurais-tu ce que voulait dire nos ennemis quand ils disaient que je devais avouer quelque chose ? »

- Non. Je suis partie avant d’entendre la fin car j’en savais assez pour comprendre qu’il y avait du danger. Elle ajouta : peut-être parlaient-ils d’un territoire et qu’ils espéraient nous le prendre en nous manipulant. La Saison Froide arrive après tout.

-Peut-être…fit pensivement le matou. En tout cas, merci beaucoup. Tu nous a bien aider et tu as sûrement sauvé ta patrouille. Nous verrons pour cette histoire à l’Assemblée. »

Si les compliment de son supérieur avait fait ronronner l’apprentie de plaisir, l’évocation de ce moment de réunion l’avait figé. Aile de Lune et elle en rêvaient depuis qu’un soir, leur mère adoptive leur avait expliqué ce que c’était, car les deux chatons s’étonnaient du départ nocturne de certains guerriers. Serait-elle à la hauteur pour y aller ? Elle se promit de tout faire pour y partir.

Le temps passait et la Lune s’arrondissait de jours en jours. Comme la rondeur de l’astre nocturne, l’anxiété d’Aile d’Or grandissait. Elle faisait tout son possible pour se démarquer des autres, et elle y arrivait plutôt bien ; elle était irréprochable. Même Pelote s’étonnait du changement. Une froide matinée, le chat bicolore vint la trouver pour chasser, car le gibier commençait à se faire rare. Étant née pendant la saison de l’Arbre Fleurie, elle n’avait connue que la douce chaleur du Soleil. Désormais, elle devait faire face à un froid s’intensifiant chaque jour. Cela lui sapait le moral. Malgré cela, elle suivit son mentor en ronchonnant. Arrivée au centre de la plaine, ils se mirent à chercher activement les proies. Mais après un bon temps de recherche, chacun était bredouille. Alors qu’ils s’apprêtaient à rentrer, une odeur de lapin lui frappa les narines. Elle se glissa dans le bosquet d’où venait l’odeur et vit la créature. Son pelage brunâtre était épais et l’animal le semblait aussi. L’apprentie s’approcha silencieusement, espérant capturer seule la proie. Mais Pelote n’était pas dupe et comprenant que son élève avait trouvé quelque chose, il pris la proie de revers. L’apprentie pesta, mais la créature avait trop de valeur pour risquer de la perdre. Son mentor sauta soudain, faisant peur à  l’animal. Celui-ci fonça droit dans les pattes de la rouquine qui le tua d’un coup de crocs. Félicitée par son mentor, ils retournèrent dans la combe sous mes regard admiratif de ses camarades. Puis la jeune chatte fila rejoindre le pied de la Souche car Lune de Renard venait de convoquer un rassemblement. Il proclama :

 « Ceux qui m’accompagneront à l’Assemblée cette nuit seront : Cœur de Lavande, Œil de Blaireau, Feuille de Chêne, Patte de Velours, Fleur des Champs, Ombre de Nuit, Griffe d’Ortie, Pelotes et leurs apprentie, Aile de Lune et Aile de Miel. »